Samedi 21 Décembre 2002, Roissy - Charles de Gaulle, 12h00
Finalement tout fonctionne, j'atterris le samedi au matin (j'arrive de JFK), file chez moi
prendre une douche salvatrice et retourne sur CDG pour l'embarquement.
J'ai peu dormi pendant le vol mais le décalage horaire ne se fait pas trop sentir...
L'excitation est bien plus forte que la fatigue : je vais même en oublier de manger !
Je suis dans l'aérogare 2, Hall A, zone 6 et j'attends... Pas longtemps
heureusement parce que je viens d'arriver des US, que j'ai eu le derrière
posé bien trop longtemps sur un fauteuil et qu'il me tarde de continuer ce
qui allait être une de mes plus belles aventures.
Guy arrive avec le sourire aux lèvres. Je me demande lequel d'entre-nous
sourit le plus ? Lui parce qu'il va me faire LE cadeau de Noël ou moi, parce
que je vais obtenir ce que l'on m'avait promis "comme ça", il y a quelques
années maintenant, au détour d'une conversation et que j'avais
préféré "occulter" pour éviter de trop me
monter la tête.
On discute, on se raconte ce qui c'est passé depuis la dernière fois que
l'on s'est vu (c'était il y a seulement 4 mois, en Septembre) et je découvre mon
mécène du jour : un employé d'une société en trois lettres
(qui ne commence pas par A) qui affrètent des vols
spéciaux (boucles, tours du monde, etc). Il a un siège de libre sur ce vol
et ce siège, ça sera le mien pendant quasiment deux heures, deux heures de pur
bonheur...
Les passagers commencent à s'enregistrer alors que nous discutons avec l'affréteur,
lui expliquant comment on s'est connu, ce que l'on a vu et fait ensemble, bref une réunion de
vieux copains...
Le vol AF4307 partira à 14h de
Roissy, destination LFPG ! Je suis le dernier à me présenter : on me donne
mon coupon d'embarquement.
L'heure d'embarquement 13h20, la porte A52, mon siège JPS !!! YYYYYEEEEEEAAAAAAHHHHHH !!!!!
(j'étais pas au courant : je savais que j'allais pouvoir occuper le jumpseat mais je ne savais pas que c'était mon siège)
Je passe le contrôle et me rends dans le salon VIP. Je ne bois pas beaucoup ni ne mange énormément.
D'une part, je n'ai pas très faim, décalage horaire aidant, je n'ai pas vraiment envie de devoir visiter les toilettes
en vol et puis je ne suis pas venu pour boire !
Je fais la causette comme quelqu'un de bien élevé et sort du salon pour aller voir la bête. Il n'est pas au contact
du salon donc il est invisible d'où je suis.
Je sors mon appareil et je prends cette photo (c'est pas la plus belle, de loin mais c'est MA photo de MON vol) :
Je rentre dans l'avion et on fait les présentations.
Le CDB me salue et me remercie ! Ah ??? Oui, j'ai fais l'Amérique du Sud avec tes mesures !!! :-D
Je m'installe et retrouve la même environnement en termes de son et d'odeur que j'avais connu 4 ans auparavant
(le doux bourdonnement des équipements et une certaine odeur de composants électroniques qui chauffent, un peu comme un vieux poste radio lorsqu'il est chaud).
De mon siège, ça donne à peu près ça :
On a parlé plusieurs fois de la séquence d'allumage sur FRA et voici le résultat du jour (noté à la main donc
il manque beaucoup de trucs) :
- Demarrage 3
- Start Pompe
- 10 %
- Allumage
- Allumé (et on commence à entendre le doux sifflement)
- Hydraulique
- Demarrage 2
- Relache frein de park (push-back)
- Demarrage 4
- Demarrage 1
L'équipage fait un check des instruments et quand tout est bon, roulez jeunesse !
Première réflexion (à moi-même, j'ai une vie intérieure assez riche) : la vache c'est que l'on est secoué pendant le roulage (eh eh la planimétrie
prend tout son sens) !
Le CdB ou le copi baisse la visière (je n'ai pas vu qui).
L'OMN tapote sur un cadran dont les aiguilles sont figées (comme on tapote sur une vieille montre) et tout d'un coup
hop, les aiguilles reprennent vie et se mettent là où il les attendait, magique !!!!
Quand on vous dit que c'est avion est vivant !!
Roulage :
Votre serviteur photographié par une hôtesse :
Le cockpit et la fin du taxiway :
Z'avez la doc (réellement, ils ont la tête de tournée parce qu'on attend qu'un avion se pose) ?
C'est de là qu'on s'envole (27L) :
Après j'ai lâché l'appareil pendant un moment parce que je voulais vivre le moment présent autrement
que derrière l'objectif.
Ca a donné ça :
- Transpondeur TCAS
- Frein Temp
- Centrage
- Bruit des manettes à poussées fond : "click" (les réchauffes sont enclenchées)
- OMN : 4 Vertes
Et on décolle comme dans une fusée, ça grimpe sec !
Deuxième réflexion, il y avait un bruit aérodynamique énorme et je me demandais ce que c'est
surtout que les trains étaient en cours de rentrée... C'est la visière ! A partir du moment,
où elle a été remontée tout est redevenu plus calme !
J'ai pris la photo suivante parce que pendant la montée, on entend un gong et un voyant rouge (non visible ici)
s'allume sur le 3. Le CDB annonce "Smoke sur le 3" (à ce moment là je me dis
"c'est bien ma veine, tiens") et l'OMN lui répond "Je m'en charge".
Il regarde les cadrans, tapote quelques trucs et l'alarme disparaît comme elle est venue... It's alive!
Cet avion, c'est un avion de chasse :
On franchit le Mach à 30 000 pieds tout rond :
Le voyant jaune allumé c'est le centrage.
Les loupiottes blanches en bas, ce sont les réchauffes : allumées depuis le transsonique jusqu'à Mach 1,7
Une autre pour la forme, un chouia plus haut (en altitude pour ceux qui ne suivent pas) :
A moi les grands espaces !
Beaucoup de gens demandent si on distingue ou pas la rotondité de la terre et je dirais que oui
mais la chose la plus marquante à mon goût, c'est la couleur du ciel.
Un bleu bien plus foncé auquel on n'est pas habitué nous autres terriens.
Troisième réflexion : lorsque la PC est coupée à la fin de l'accéleration, on sent vraiment l'avion
"ralentir" (bon ça n'est qu'une diminution de poussée) dans son élan : ça
ressemble un peu à un freinage en automobile, le corps glissant du fauteuil vers l'avant de l'appareil...
Difficile de réaliser qu'on vole à plus de Mach 1,7 !
L'OMN nous donne la vitesse (on fait du Mach 2,03) :
On attendra Mach 2,04 ce jour là mais je n'ai pas pu immortaliser ça (et c'est pas bien grave à vrai dire).
Il faut une licence pour ça ?
Après, ça on finit par redescendre : il faut, paraît-il ! Dommage, moi je serais bien resté...
On est encore au-dessus de la crasse parisienne :
Le CDB concentré pendant la descente :
Quelques moments de répits (pour moi : je prends les photos, eux ils bossent) :
Pendant le vol, les passagers sont autorisés à se rendre vers l'avant pour jeter un oeil au cockpit.
Malheureusement, le vol étant court, ils n'ont pas vraiment le temps de s'éterniser donc les PNT
font la circulation (ou du moins essayent) : pas plus de 20-30 secondes par personne. Le plus sympa, ce sont toutes
les réflexions qu'ils font...
Un vieux monsieur arriva, se présenta, donna son âge et d'un air très digne :
"j'ai 80 ans et j'ai toujours voulu voler sur cet avion, merci messieurs !"
L'équipage a droit aux photos, remerciements, etc...
Le plus drôle des commentaires fut fait par une dame qui, en voyant le tableau de l'OMN, lui demanda :
"et vous vous y retrouvez ?" :-D
Ca discute de la descente et de l'approche : masse à l'atterrissage et autres paramètres
(on a brûlé 40 tonnes de kéro sur les 50 qu'on avait en partant si ma mémoire ne me joue
pas de tour).
Il fait frais à 5000 pieds : ça change des hautes températures lors du vol en supersonique !
Voilà la piste ! Pendant l'approche, l'OMN tourne et avance son siège pour se positionner entre les deux pilotes.
Ce jour là c'est le copi qui nous a posé, l'OMN lisant à haute voix la radio-sonde. Le temps était
complètement bouché et de là où j'étais assis, impossible de voir quoique ce soit.
Vers l'avant rien à voir si ce n'est les nuages et je n'ai pas de visibilité sur les cotés.
Entendre l'OMN égrener les altitudes était tellement surprenant que j'avais du mal à
croire que ce qu'il annonçait était correct. Pourtant (et heureusement), il avait raison...
Debriefing (il remplit la paperasse pour le vol). Dans sa main gauche on voit un carnet qui contient les check-lists (dans
la droite, YEAH, j'ai le même stylo !!!).
Attaché au fauteuil du copi, la doc Air France de CDG (QFU, fréquences, approches, plan, ...) :
Coupure des circuits : toutes les lupiottes virent au rouge, les flags se dressent devant les instruments,
confirmant que l'appareil tombe dans un sommeil bien mérité :
Ah ! On peut dire que j'ai bien failli pleurer de joie un certain nombre de fois pendant ce vol. Du moment où j'ai
pénétré dans l'avion jusqu'au moment où j'en suis sorti,
je ne me suis répété qu'une seule chose :
"Je vole en Concorde !! Je vole en Concorde !!"
Je remercie chaleureusement l'équipage, sors de l'avion et salue le gentil monsieur qui m'a permis de vivre ça...
Je remonte le couloir de la passerelle d'accès et me retourne une dernière fois pour immortaliser le moment !
A ce qu'il est beau mais il sera toujours plus beau en l'air qu'au sol...
Le 10 Avril 2003, Air France et British Airways annonçaient conjointement l'arrêt des vols Concorde à partir du 1er Novembre.
Chez Air France, on pense arrêter dès le 31 Mai en se réservant le droit de faire voler l'avion jusqu'à fin Octobre si
le remplissage le permet.
Encore une fois, un énorme merci Guy, je ne pense pas pouvoir te rendre la pareille un jour...
Tu m'as donné le plus cadeau du monde : réaliser le rêve d'un gosse, mon rêve
et me permettre de côtoyer d'un peu plus près nos amis.
Je t'en suis mille fois reconnaissant.
A Jean et à son "aéroplane"...
Je tiens à remercier tout ceux qui m'ont relu (et ça n'était pas une sinécure) et ont apporté des critiques. Plus particulièrement, un grand merci à Sergio qui a mis en page cette histoire sur le site de FRA. Enfin, merci encore à Air France !